Le 1er juillet dernier, Artemi Panarin a paraphé une entente de 7 ans et 81 millions de dollars US avec les Rangers de New York. En signant ce contrat, il renonçait donc à avoir de la vodka gratuite à vie, cadeau promis par une distillerie de Columbus s’il poursuivait sa carrière avec les Blue Jackets.
Il y a environ un mois, le Russe de 28 ans a accordé une entrevue à un journaliste du média sportif sports.ru — dont plusieurs extraits ont été traduits par le journaliste Slava Malamud, expatrié aux États-Unis. Pendant cet entretien dont la vidéo a été partagée hier sur YouTube, il a parlé de sa carrière dans le hockey professionnel et d’un tas d’autres sujets, comme le président russe Vladimir Poutine.
Et c’est là que c’est devenu très intéressant.
Panarin critique Poutine
Habituellement, quand un(e) athlète russe parle du président et du gouvernement de son pays, c’est pour lancer des fleurs et dire que « tout le monde, il est beau; tout le monde, il est gentil ». *Tousse tousse Alex Ovechkin! »
Or, dans cet entretien, le hockeyeur n’a pas eu peur de se mouiller et de remettre en question plusieurs aspects de la gouvernance de son pays natal, en direct du salon de sa demeure à Saint-Pétersbourg.
En voici quelques-uns qui ont certainement dû faire grincer les dents de Vladimir Poutine :
Russie vs États-Unis
« J’appuyais Vladimir Poutine par le passé parce que je ne me souciais pas de la politique. Je ne lisais pas les nouvelles. J’étais uniquement concentré sur ma carrière au hockey. Et c’est après avoir vécu deux ans aux États-Unis que je me suis dit “Quelque chose ne tourne pas rond [en Russie]”. »
« Il se peut que j’aie l’air d’un agent provocateur présentement, mais ce n’est pas le cas. Je pense que les gens qui cachent les problèmes sont plus néfastes que ceux qui en parlent. Si je parle d’un enjeu, c’est que je tente de changer les choses pour le mieux, pour que les gens soient plus heureux. »
Le président n’est pas infaillible
« Je pense qu’il [Vladimir Poutine] ne sait plus distinguer ce qui est correct et ce qui ne l’est pas. Psychologiquement, ce n’est pas facile pour lui de juger une situation avec objectivité. Beaucoup de personnes influencent ses décisions. Si tout le monde autour de toi te dit que tu es un bon gars et que tu fais du bon travail depuis les 20 dernières années, tu ne seras jamais capable de voir tes erreurs. »
« L’erreur dans notre société, c’est de le traiter comme un surhomme. Il est une personne normale, comme nous tous, et il est là pour nous servir. Oui, pour être président, il faut être intelligent et allumé, mais notre plus grande erreur, parmi plusieurs, est de penser que nous n’avons personne de mieux que Vladimir Vladimirovich. C’est insensé. Combien de millions de personnes habitent ici? C’est certain qu’il y a quelqu’un de mieux. »
Un meilleur sort pour ses compatriotes
« Je ne fais pas ces commentaires pour en bénéficier d’une quelconque façon. Je veux que les gens vivent mieux, que les professeurs et les médecins aient de meilleurs salaires. Je ne veux pas que des ballerines [référence à Anastasia Volochkova, ancienne grande vedette très patriotique] me disent “Si tu n’aimes pas ça ici, tu peux t’en aller!” C’est de la folie! Tout le monde est déjà parti, tous les cerveaux ont quitté. Ça ne devrait pas se passer. »
« Les gens votent pour lui parce qu’il n’y a pas d’autres bonnes options, parce qu’il n’y a pas de liberté d’expression, pas de médias pouvant décrire la réalité du pays aux grands-mamans. »
« Écoute, je suis rendu au point où je veux juste un changement. Pas un mauvais, préférablement, mais quelque chose de nouveau. Je suis pour le peuple, le même qui vote pour Poutine. J’ai simplement une opinion différente et le temps va déterminer qui a raison. Même si beaucoup de temps a passé, les gens devraient savoir qui a raison. Sauf que c’est difficile pour eux de comprendre sans avoir vu d’autres sociétés. »
La menace qui plane sur les critiques
« Il y a toujours une croyance dans notre société qui veut qu’on ne peut dire de mauvaises choses à propos du gouvernement ou tu seras tué ou empoisonné. Ça ne devrait pas arriver. [Aux États-Unis] une vedette ou un athlète peut critiquer le président, et il ne se passera rien. Les athlètes peuvent refuser d’aller à la Maison-Blanche. Mais ici, c’est impossible. Tu seras immédiatement frappé par une onde de négativité. »
« J’ai peur des répercussions que mes commentaires auront, mais je ne comprends pas comment, en disant la vérité, je peux souffrir uniquement pour ça. Si une personne a une opinion différente… Je veux dire, d’où cette question vient-elle : serai-je dans le pétrin ou non? Ça ne devrait même pas être soulevé. Aucun souci ne devrait être engendré à cause de ça. »
Sport et politique
« Je pense que c’est incorrect de dire que le sport ne devrait pas se mêler de la politique. Les athlètes devraient porter attention à ce qui se passe dans le pays. Ils devraient avoir une opinion. Je ne veux pas que quelqu’un se mêle de la mienne. Peut-être qu’on en sait moins sur la politique que les politiciens, mais pourquoi jouent-ils au hockey dans ce cas? Peut-être on dire que la politique ne devrait pas se mêler du sport? Ok, alors Vladimir Valimirovich, vends tes patins! »
Panarin’s face when he says, « Vladimir Vladimirovich, sell your skates » is absolutely everything. pic.twitter.com/sE2fPbYM8s
— Slava Malamud (@SlavaMalamud) July 19, 2019
Des représailles?
Depuis que les propos de Panarin ont été traduits en anglais par Malamud, ils ont beaucoup fait jaser. De nombreux internautes lui ont demandé s’il pensait que Panarin serait réprimandé d’une quelconque manière par le président. Il a mentionné qu’il n’en avait aucune idée, mais qu’il savait que le Breadman était toujours en Russie à l’heure actuelle.
For those interested, the interview was actually recorded a month ago, but Panarin is STILL in Russia. The kid is obviously fresh out of crap to give.
So, yes, Gotham, who needs Batman when you have Breadman.— Slava Malamud (@SlavaMalamud) July 19, 2019
Malamud ajoute que les propos de Panarin ont circulé beaucoup depuis l’entrevue et qu’il y a même des rumeurs qui veulent qu’il soit expulsé de l’équipe nationale.
Ça brasse!
Dans tous les cas, on félicite Panarin d’avoir osé dire le fond de sa pensée. Et on espère vraiment qu’il ne sera pas pourchassé par le KGB à partir de maintenant. Et si Poutine lui-même le pourchasse, il n’aura qu’à mettre un tapis sur son chemin.
Russian President Vladimir Putin took a fall as he waved to the crowd during an ice-hockey game in Sochi. He scored eight goals during the exhibition match in what has become a yearly tradition. https://t.co/x0mN62qQoY pic.twitter.com/l6XCRrwsIB
— ABC News (@ABC) May 10, 2019
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