Caster Semenya est une coureuse sud-africaine qui se spécialise dans le 800 mètres en plus d’avoir fait sa marque à l’épreuve du 1500 mètres. Depuis ses débuts, la sportive de haut niveau a remporté plusieurs médailles, que ce soit aux Jeux olympiques ou lors de Championnats du monde. Mais les victoires de Caster Semenya ont depuis maintenant plusieurs années été remises en doute, au motif que la coureuse est une personne intersexuée. Pour citer la professeure Janik Bastien-Charlebois, dans un article de 2016, « les “personnes intersexuées” désignent l’ensemble des personnes dont le corps de naissance combine des caractéristiques sexuelles dérogeant aux normes médicales délimitant les “mâles” et les “femelles”. Elles sont l’objet ou sont sujettes à des modifications chirurgicales ou hormonales non consenties de leur corps ».
Caster Semenya est une femme. Elle se considère comme une femme, a été socialisée comme une femme, et a longtemps ignoré qu’elle était une personne intersexuée. Elle compétitionne depuis toujours avec les femmes, parce que c’est ce qu’elle est : une femme. Or, le monde du sport, aussi fabuleux soit-il, trimballe avec lui une longue histoire — histoire qui se perpétue tel un refrain sans cesse répété — de « chasse à tout ce qui dépasse de la norme », une « chasse » particulièrement exacerbée dès qu’il est question de sport féminin. Et Caster — et elle n’est pas la seule ! — vient ébranler les colonnes du temple de la binarité homme/femme si chèrement défendue par les fédérations sportives, mais aussi par les amateur.e.s de sport. (Croyez-moi, si vous voulez partir une discussion enflammée qui risque de finir en dialogue de sourds, parlez de mixité dans le sport !)
Une nouvelle politique ciblée
Les tests de féminité — il n’existe pas de pendant masculin, of course — existent depuis longtemps, sous prétexte de protéger les femmes de supposés escrocs qui se feraient passer pour des femmes dans le but de gagner indûment des compétitions. Malgré les arguments scientifiques nombreux qui viennent remettre en doute la validité de ces tests — sans parler des problèmes éthiques et moraux de ces derniers —, cette longue tradition se poursuit. Dans les dernières semaines, l’International Association of Athletics Federations (IAAF) a lancé une nouvelle directive en ce sens, en énonçant de nouvelles règles quant au taux de testostérone maximal que peuvent présentée les athlètes qui participent aux épreuves féminines. Dans une conférence, la professeure à l’Université Laval Guylaine Demers a détaillé ladite directive. Ainsi, l’IAAF indique ne pas contraindre les athlètes à passer le test… mais celles qui refusent de s’y soumettre ne pourront courir. Et ce ne sont pas toutes les compétitions qui sont ciblées, mais celles où — quelle coïncidence ! — Caster Semenya est l’une des compétitrices. De plus, ce ne sont pas toutes les femmes qui devront se soumettre à ces tests, juste celles chez qui l’on soupçonne qu’elle pourrait ne pas être de « vraies » femmes. Autrement dit mesdames, assurez-vous de rentrer dans les stéréotypes féminins et on vous sacrera patience.
Si je résume, l’IAAF a mis sur pied une politique qui vise avant tout une personne, Caster Semenya, et une variable, la production naturelle de testostérone. Parce qu’on juge que cela lui donne un avantage indu. Si elle veut courir, elle devra donc prendre des substances pour abaisser son taux de testostérone NATUREL.
Pour démontrer l’absurdité de la situation, prenons le cas de Michael Phelps. Le nageur présente plusieurs caractéristiques du syndrome de Marfan, ce qui fait que l’amplitude de ses bras, la taille de ses mains et de ses pieds lui offrent un avantage sur ses adversaires. Pourtant, on ne penserait pas dire à Phelps « désolé Michael, t’as trop des grands bras, tu ne peux pas nager, c’est pas juste pour les autres ». Ça n’aurait aucun sens, me direz-vous. Ce sont des caractéristiques naturelles avec lesquelles il est né. De plus, si ses caractéristiques physiques peuvent l’aider, Phelps doit aussi ses énormes succès à son entrainement et son travail.
Caster Semenya ne se dope pas. Comme Phelps, elle doit ses succès avant tout à son entrainement et son travail. La politique de l’IAAF est simplement discriminatoire et joue sur des peurs irrationnelles.
Monde du sport, des fois, t’es dur à aimer.
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