Je suis au Bain Mathieu, accompagné de ma blonde et d’une amie. Nous sommes là pour le gala Go Hard or Go Home de la Smash, fédération de lutte torontoise qui faisait son premier enregistrement télé à Montréal. Ils ont fait un partenariat avec la FLQ, une fédération de lutte montréalaise, pour cette carte prometteuse, mettant entre autres en vedette Matt Sydal, connu comme Evan Bourne à la WWE.

Pourtant, ce n’est pas lui la plus grande vedette ce soir. Ce soir, les fans n’en ont que pour une équipe bien locale, deux barbus en chemise de bûcheron qui sacrent et qui donnent des volées. Dès que les premières notes de leur thème se font entendre (NDLR : Y’a une émeute dans la prison de Pagliaro), la foule explose, scandant le slogan des deux hommes : TABARNAK, TABARNAK, TABARNAK!

Le Tabarnak de Team est dans place.

Si les deux hommes sont à leur place dans le ring, je les ai vus dans un contexte qui leur était un peu moins familier quand je les ai invités quelques heures plus tôt au Rond-point, un café autogéré et féministe, situé à deux coins de rue de là.

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«C’est la dernière fois que tu vas me voir ici. Tim Horton’s c’est nice» me dit Mathieu St-Jacques, l’un des deux «tabarnak» de la Tabarnak de team. Ils sont fidèles à la description qu’ils font de leurs personnages : « Ça paraît pas flatteur à dire, mais c’est des colons. Des colons violents» m’explique St-Jacques.

Son partenaire, Thomas Dubois, acquiesce : «That’s it. Des gars de shop, des gars de la classe moyenne […] Moi je suis sur la construction. Tout le monde avec qui je travaille sur ma vraie job c’est du monde de même. Tu t’inspires de ça, pis tu câlisses le volume dans le tapis».

Les gars ont un peut-être un côté un peu grossier, mais c’est difficile de ne pas les trouver attachants. Ils sont un peu ces oncles et ces cousins qu’on a tous, qui travaillent de leurs mains pis qui boivent de la Molson Ex, qu’on est ben contents de voir à Noël, même s’ils ne parlent pas beaucoup.

«C’est rare que t’as eu des personnes qui représentaient le Québec. T’as eu les Vachon pis les Leduc, mais pour représenter aujourd’hui? T’as eu les Rougeau qui étaient super bons, mais c’était les petits drapeaux pis les couleurs. On veut présenter le côté badass québécois profond, pas un efféminé francophone», dit St-Jacques.

La comparaison avec les Leduc est particulièrement appropriée. En effet, ils sont un peu les héritiers de ces légendes, deux Québécois fiers de ce qu’ils sont. Parce que, comme la TDT le souligne, s’il y a beaucoup de lutteurs québécois, ils aiment souvent jouer aux Américains. Mathieu St-Jacques s’amuse à souligner l’absurdité des noms de lutteurs qui mangent du pâté chinois, mais qu’ils font comme s’ils étaient nés à Dallas : «Quand on a commencé, tout le monde avait des noms anglophones qui n’avaient pas de sens. Au début, mon coach m’avait dit tu vas t’appeler Matt Anderson, comme Arn Anderson. Mais c’est pas crédible quand t’as un accent francophone, dire : ‘’salut, moé j’suis Matt Anderson.’’»

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Dubois a lui aussi une histoire semblable: «Moi [Thomas Dubois] c’est mon vrai nom. Quand j’étais chez Rougeau [Jacques Rougeau, qui l’a entraîné], je pense que j’ai changé de nom 2-3 fois. Un de mes derniers noms c’était Thomas Woods, parce que je me disais c’est Dubois en anglais. Mais c’est exactement comme Mathieu dit, j’ai pas l’air d’un Thomas Woods, et si je parle ça sonne encore moins comme Thomas Woods, alors j’ai juste utilisé mon vrai nom, that’s it

Le Tabarnak de team est l’une des équipes québécoises qui voyage le plus. On les retrouve couramment dans les shows en Ontario, ils ont même fait une apparition à la TNA récemment. Naturellement, ils sont un peu devenus des ambassadeurs du Québec à l’extérieur de la province. Est-ce que c’était désiré?

Pour Thomas Dubois, absolument : «C’est sûr qu’on est fiers de représenter le Québec, et c’est ça qui nous rend exotiques […] on arrive, on est québécois, on a notre identité.» St-Jacques ajoute: « Pis on parle français dans le ring, on parle français dans nos promos. Ça nous donne notre saveur, au lieu de juste parler anglais pis d’essayer de ‘’blend in’’ et d’être parmi eux, on est nous autres.»

En fait, ça fonctionne tellement que ça pourrait devenir insultant pour eux : «On est pas mal plus en Ontario qu’au Québec dans les dernières années. Quand on est là-bas, les gens nous aiment pour ça. À Toronto, ils savent c’est quoi ‘’Tabarnak’’. Ça en devient tannant, ils viennent nous voir pour nous crier : TABARNAK! CALISSE!»

En même temps, les fans québécois aussi criaient « tabarnak » avec joie. C’est peut-être parce que c’est jouissif de sacrer impunément en groupe comme ça. Mais peut-être aussi un peu parce que le Tabarnak de team fait partie des meilleures équipes au Québec, tabarnak!

 



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