David Arquette et la lutte

En avril 2000, environ un an avant le rachat de la World Championship Wrestling (WCW) par la rivale World Wrestling Federation (WWF, maintenant WWE) de Vince McMahon, les amateurs de lutte de l’époque recevaient une tuile sur la tête quand Eric Bishoff, la tête pensante de la défunte WCW, décida d’offrir à un acteur le prestigieux championnat du monde de sa fédération autrefois porté par des légendes comme Ric Flair et Dusty Rhodes auparavant.

Cet acteur, c’était David Arquette lors de la tournée promotionnelle du film Ready to Rumble.

Un championnat controversé

À l’époque, Arquette avait été reçu très négativement par les partisans de la WCW et son implication jetait de l’ombre sur une discipline en perpétuelle quête de crédibilité auprès des médias traditionnels. Avant même d’apprendre à lacer des bottines de lutte, Arquette était proclamé roi de la montagne. Pour rester dans l’analogie alpine, c’est comme s’il avait touché le sommet de l’Everest avant d’avoir grimpé le mont Royal à pied.

Normal de s’y perdre et, surtout, d’y laisser quelques plumes au passage.

David Arquette, si vous êtes moins familiers avec sa carrière, avait une fusée dans le dos au milieu des années 90 alors qu’il était, aux côtés de ses contemporains comme Leonardo DiCaprio et Matthew McConaughey, aux pas de la porte d’une grande carrière hollywoodienne. Mais son choix de camper le rôle de Dewey Riley dans le Scream de Wes Craven allait lui apposer une étiquette comique de laquelle il peinera à se défaire toute sa vie. Alors que ses homologues croulaient sous les offres avec des rôles plus sérieux et significatifs, Arquette allait se perdre dans le marasme des suites de la franchise du père de Freddy Krueger en plus de se prendre les pieds dans des projets typés comme Ready to Rumble ou encore le risible Eight Legged Freaks qui fait encore, vingt ans plus tard, la ronde des soirées de visionnements pour les mauvaises raisons chez les cinéphiles.

C’est cette version de David Arquette qui a possédé le championnat du monde de la deuxième plus grosse fédération de lutte aux États-Unis de l’époque. C’est aussi sur une route pavée d’embûches que l’acteur perdra le nord de sa carrière à de multiples occasions par la suite, sans parler de ses problèmes personnels reliés à la consommation.

Sans dire que son sacre à la WCW allait jeter un mauvais sort au reste de sa vie, il est difficile de ne pas y voir au moins un mauvais présage avec le pas de recul offert par le temps.

Le combat d’une vie de David Arquette

Vingt ans après ce premier saut dans le monde de la lutte, c’est un David Arquette raisonné par l’humilité qui nous présente un documentaire sur sa résurrection d’une certaine façon : You Cannot Kill David Arquette.

Réalisé par David Darg et Price James, le film sera présenté en primeur canadienne lors de l’édition numérique du Festival Fantasia de Montréal le 24 août. On y retrouve David Arquette avant un tournant de sa vie déclenché par une crise cardiaque de laquelle il conserve deux tuteurs coronariens. Après avoir frôlé la mort à 46 ans, le père de trois enfants a revisité son passé et, surtout, sa passion enfouie pour la lutte afin de retrouver le nord.

Aussi, comme on l’apprend dans le documentaire, il voulait trouver une forme de respect qui ne lui avait jamais été accessible à l’époque lorsqu’il avait été parachuté dans un monde à l’intérieur duquel il n’était pas le bienvenu et dans lequel il n’avait pas fait ses classes.

C’est la prémisse du film sur la deuxième vie de David Arquette et c’est là que quelques explications s’imposent.

Discerner le vrai du faux

Faire ses classes, pour un lutteur, c’est commencer au bas de l’échelle et apprendre des vétérans. C’est recevoir des coups, beaucoup de coups, et cumuler des blessures inévitables lors de l’apprentissage des rudiments d’un divertissement aux risques bien réels malgré les résultats prédéterminés. Faire ses classes, c’est aussi respecter les codes diégétiques de la discipline – c’est à dire les façon de raconter des histoires à l’intérieur du ring et, aussi, entre les combats à l’extérieur de celui-ci.

You Cannot Kill David Arquette est un documentaire sur l’homme, l’acteur, le père et le lutteur, mais c’est aussi un morceau du casse-tête dans la grande histoire fictive qu’est le retour sur le ring de l’ancien champion du monde vingt ans après ses débuts.

C’est limpide dès les premières images du film quand Ken Anderson, un vétéran sur les circuits indépendants et ancien de la WWE, parle d’un adversaire qu’il croisera dans le ring lors d’un gala de légendes de la lutte présenté à la fin du film. Cette boucle dans la narration du documentaire, c’est aussi une façon à peine voilée de nous admettre qu’il ne faut pas croire tout ce que l’on voit à l’écran, surtout quand on sait que les lutteurs sont des narrateurs difficilement fiables puisqu’ils mentent constamment.

Ce n’est pas forcément un défaut que de plier le médium cinématographique aux exigences du kayfabe; l’addition des codes et des non-dits que les lutteurs entretiennent pour ne pas dévoiler les ficelles de leur profession. Mais c’est un peu dommage de rester sur une question sans réponse durant tout le visionnement : est-ce que David Arquette voulait vraiment renouer avec la lutte et mériter le respect de ses pairs, ou voulait-il simplement faire un bon film documentaire duquel il pourrait propulser sa carrière vers d’autres rôles.

J’ai tendance à pencher vers la deuxième option en raison de la présence de caméras lors des grandes étapes de son retour et, surtout, dix ans après le retour grandiose de Mickey Rourke depuis sa participation au film The Wrestler de Darren Aronofsky en 2008.

Cela dit, les motivations de David Arquette n’enlève rien au projet et aux efforts louables qu’il a mis dans son apprentissage. Il a fréquenté des légendes comme Diamond Dallas Page, il a lutté sous un masque au Mexique le temps d’être apte à tenir un combat du début à la fin et, n’ayant peur de rien, il s’est même frotté à l’impitoyable Nick Mondo dans un Death Match particulièrement sanglant durant lequel il s’est fait trancher la gorge avec des fragments de néons utilisés lors du combat.

Ça avait d’ailleurs fait la ronde des médias en 2018 et, maintenant que le film est complété, on comprend mieux pourquoi Arquette était dans le ring à ce moment.

L’acteur David Arquette découvre la brutalité d’un match de lutte extrême et se blesse gravement

You Cannot Kill David Arquette nous offre une belle incursion en surface dans le monde de la lutte, mais surtout une belle exploration dans la tête d’un acteur méconnu de sa génération qui a trouvé, dans sa passion de jeunesse, une façon de raccommoder sa carrière et de regagner l’estime d’un auditoire de plus en plus maigre devant ses projets.

La route est fascinante et le résultat, prédéterminé comme à la lutte, n’enlève rien à la périlleuse aventure de l’ancien jeune premier de l’écran d’argent. On vous recommande chaudement le visionnement, même si les amateurs de lutte verront les ficelles de l’entreprise dès les premières images.

Il n’en demeure pas moins que c’est agréable d’offrir une oreille attentive à quelqu’un qui a compris, longtemps après, qu’il s’était moqué sans le vouloir de la passion de plusieurs personnes en devenant le roi d’une montagne sur laquelle il ne devait pas être.


Pour son édition 2020, le Festival Fantasia se tourne vers la diffusion numérique avec une programmation riche et variée disponible des quatre coins de la province.

Lundi le 24 août, à 19h30, vous pouvez visionner le documentaire You Cannot Kill David Arquette en direct sur la plateforme du festival. Suivra à 21h00 une période de question avec l’acteur ainsi que l’équipe à la réalisation du film.

Vous pouvez aussi consulter le calendrier complet du festival avec ses événements en direct ainsi que les films disponible en vidéo sur demande.



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