Royce Gracie lors de l'UFC 1

Il y a 29 ans, l’Ultimate Fighting Championship n’était pas du tout l’UFC que l’on connaît aujourd’hui. Avant le coloré Dana White et des combattants célèbres comme Georges St-Pierre, Anderson Silva, Conor McGregor et Brock Lesnar, l’UFC était aux yeux du public une sorte de phénomène de foire incompréhensible.

Trop violent, trop barbare, pas un sport — les premiers reproches à l’endroit de l’UFC étaient très nombreux et, pour la plupart, justifiés.

Avec le recul, le 12 novembre 1993 n’était pas une grande soirée sur le plan sportif. Pour l’évolution du sport, cependant, c’était la naissance dans l’œil du public de Royce Gracie et de la suprématie du Jiu-Jitsu brésilien au cœur des arts martiaux mixtes. Ceci dit, il faut creuser un brin pour sortir du positif d’une soirée particulièrement marquante… souvent pour les mauvaises raisons.

Au McNichols Sports Arena de Denver, au Colorado — parce qu’il n’y avait pas de commission athlétique à contourner au niveau de la boxe —, le défi du premier gala de l’UFC était de couronner le « roi » des arts martiaux lors d’un tournoi à huit combattants, chacun provenant d’une discipline différente. On tentait de donner une réponse définitive à la question : qui gagnerait un combat entre un boxeur et un karatéka? Un judoka et un sumo? Si vous avez en tête l’image d’un film de Jean-Claude Van Damme, vous n’êtes pas les seuls. D’ailleurs, Zane Frasier a combattu et battu le véritable Frank Dux qui a inspiré le film Bloodsport.

À l’époque, on vendait la soirée comme des combats avec aucun règlement, sauf deux : pas de morsures et pas de doigts dans les yeux. C’est tout — tout le reste était permis à part, évidemment, l’utilisation d’armes à l’intérieur de la cage octogonale.

Difficile, dans ce contexte, d’établir un précédent. Il y a avait les érudits du sport qui pouvaient se douter un peu des résultats, particulièrement le frère de Royce Gracie, Rorion, derrière l’organisation de la soirée avec le promoteur Art Davis. En fait, tout le tournoi était une façon à peine camouflée de faire la promotion du jiu-jitsu de la famille Gracie en établissant la domination d’un petit combattant comme Royce.

Mais, sachant cela,  comment le public allait-il accueillir cette soirée de combats? Regardons d’abord les huit combattants inscrits.

Gerard Gordeau (savate, karaté)
Teila Tuli (sumo)
Kevin Rosier (kickboxing)
Zane Frasier (kenpo)
Royce Gracie (jiu-jitsu brésilien)
Art Jimmerson (boxe)
Ken Shamrock (style libre)
Patrick Smith (taekwondo)

Du lot, vous connaissez sans doute Shamrock pour sa prolifique carrière avec l’UFC et la WWE et Royce Gracie qui s’est imposé, avec sa famille, comme un incontournable de la discipline. Gracie a d’ailleurs remporté le tournoi, même s’il était le plus petit combattant inscrit.

Mais comment s’est déroulé le tout?

Disons que le contraste des styles était particulièrement frappant et les combattants avec une connaissance de base du jeu au sol et des attaques à proximité n’ont fait qu’une bouchée des combattants plus physiques pensant s’en sortir « parce qu’ils étaient des durs à cuire ». Ainsi, Art Jimmerson est entré dans la cage avec un gant de boxe et une main nue afin de protéger sa main forte, lui qui croyait qu’un simple coup de poids le sortirait d’affaires. Royce Gracie l’a fait abandonner en deux minutes.

Oups!

Le reste de la soirée n’était pas tellement différent. Gerard Gordeau a détruit le pauvre Teila Tuli en 26 secondes, même s’il faisait presque le double de son poids. Il avait même des dents de Tuli de logées dans la peau de son pied et il a continué le tournoi avec un bandage. Tous les combats ont duré moins de 4 minutes 30 secondes et, évidemment, aucun n’a nécessité une carte des juges. En fait, il n’y avait pas de juges puisque les arbitres ne devaient pas arrêter les combats. Il fallait gagner par K.O., soumission ou quand le coin lance la serviette pour signifier l’abandon du combattant.

La guerre des mondes mise de l’avant par l’organisation de la soirée avec des combattants de partout sur la planète a certainement captivé l’attention d’une poignée de curieux, mais on était loin du retentissant succès que la compagnie connaît aujourd’hui. Bien au contraire. L’UFC 2 a attiré environ 2000 spectateurs quelques mois après la présentation de l’UFC 1. Une fois de plus, Royce Gracie sortait triomphant d’un tournoi organisé pour la soirée.

Ce qui était pensé comme un événement unique est devenu, 28 ans plus tard, le sport de combat le plus populaire au monde. Qui l’eût cru?

Disons qu’on aimerait avoir une machine à remonter dans le temps pour investir tôt dans cette aventure qui, avouons-le, aurait vite pu présenter un meurtre en direct et se terminer immédiatement sans mettre au monde les arts martiaux mixtes tels qu’on les connaît aujourd’hui.

Nous sommes ailleurs maintenant et les connaissances techniques derrière le sport de combat sont indéniables. Regardez le contraste entre les soirées d’aujourd’hui et cette première aventure vous le prouvera hors de tout doute. Il y a 29 ans, c’était sans doute barbare et dangereux. Aujourd’hui, c’est un art à part entière et encadré pas mal plus que certains autres sports qui ne portent pas la même étiquette de violence que l’UFC.



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