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Les grandes rivalités sportives sont parfois le théâtre de gestes disgracieux.

Les bagarres des hooligans et les émeutes d’après-matchs sont des dérives dont on pourrait aisément se passer. Il y a toutefois d’autres dérives sans lesquelles les rivalités sportives seraient bien drabes. Lorsque les partisans lâchent leur fou en demeurant dans les limites du cocasse, il y a de la magie dans l’air!

La Russie ne fait pas exception à cette règle. Après la chute de l’URSS, une rivalité s’est développée entre le Dinamo de Moscou et l’Avanguard d’Omsk. Comme dans toute bonne rivalité, les partisans de chaque équipe ont commencé à s’affubler de sobriquets. Dans le jargon moscovite, les joueurs de l’Avanguard sont devenus les poulets d’Omsk. D’où vient cette idée saugrenue? Mikhail, un vieux partisan du Dinamo, s’est fait le plaisir de l’expliquer.

« On trouve un aigle dans le logo de l’Avanguard d’Omsk. À une époque, certains joueurs s’étaient fait tatouer cet oiseau sur l’épaule pour afficher leur sentiment d’appartenance au club. Les gens n’aimant pas l’Avanguard se sont mis à les traiter de poulets. »

Les deux clubs ont de bonnes raisons de se détester. Depuis 1994, ils se sont affrontés à 6 occasions en séries éliminatoires et le Dinamo en est sorti 4 fois vainqueur. La dernière fois fut durant la finale de la Coupe Gagarine de 2012. Le club moscovite a été sacré champion!

Ce n’est toutefois pas durant un match des séries éliminatoires que les partisans du Dinamo donneront leurs lettres de noblesse au surnom des joueurs de l’Avanguard. C’est lors du match de saison régulière du 23 février 2005 où un drôle de personnage marquera l’histoire de cette rivalité à tout jamais.

« Au sein de notre groupe de partisans, nous avions un gars surnommé Balamut. Son vrai nom était Dima. Balamut, ça veut dire “metteur de désordre” en russe. Nous le surnommions comme ça, parce qu’il était le plus fou des partisans du Dinamo. Il ne vivait que pour le Dinamo. C’était le genre de type à faire toutes sortes de singeries. Il pouvait aller se mettre à danser bras dessus bras dessous dans les escaliers à tout moment. Une fois, on lui a fait une blague en lui achetant des culottes du Spartak. Il a décidé de les mettre pour aller au match de soccer! »

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Mikhail et Balamut.

 

Le 23 février 2005, contre l’Avanguard, ce vieux Balamut y est allé de son plus grand coup d’éclat en carrière. Enthousiaste devant les succès de son équipe, ce bon Dima est sorti en courant de l’aréna avec une idée bien précise. Mikhail s’en souvient comme si c’était hier.

« Il est allé à l’épicerie s’acheter un poulet. Il a réussi à le faire entrer en douce malgré la présence de gardiens de sécurité. Un poulet, ça ne sonne pas au détecteur de métal. Si tu le caches dans ton manteau, les gardiens vont juste penser que t’es obèse. Rendu dans les estrades, il a mis le poulet sur un bâton à drapeau et il l’a brandi au bout de ses bras. »

Brandissant fièrement son poulet, Balamut a bien fait rire ses camarades. La farce passera toutefois à l’histoire lorsque le Dinamo se retrouvera en avantage numérique. En voyant le joueur adverse assis au banc des pénalités, il a foncé vers ce dernier.

« C’était Alexander Guskov. Guska, ça veut dire oie, en russe. Pensez-vous que Balamut allait laisser ça passer? Il a couru à côté de la baie vitrée et il a brandi le poulet devant Guskov! On n’a pas manqué notre chance de le photographier! Après le match, on a fait cuire le poulet et on l’a mangé. »

Cette photo, Mikhail la garde encore précieusement aujourd’hui. Décédé depuis maintenant 3 ans, Dima demeurera dans la mémoire collective des partisans du Dinamo comme l’homme ayant fièrement brandi une volaille au moment opportun pour aider son équipe à l’emporter par la marque de 4 à 2.

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Aujourd’hui, l’Avanguard sera de nouveau en visite à Moscou pour affronter le Dinamo. Lors de ce match, les vieux routiers de l’équipe auront sûrement une pensée pour Balamut. De l’au-delà, de ses bras meurtris, il leur tend toujours un poulet. C’est maintenant à eux de le brandir bien haut!



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