Des fois, quand on veut rire des lutteurs de la scène locale, on dit qu’ils n’ont pas l’air de lutteurs, mais de notre voisin en speedo.
Personne ne ferait cette erreur avec Marko Estrada. Les bras comme des troncs d’arbre, le six-pack rappelant la fameuse Caramilk, celui qui détient le record du plus long règne au Québec a l’air tout droit sorti de la WWF des années 80.
J’ai donc pris un malin plaisir à l’inviter dans un petit diner du centre-ville pour manger une poignée de frites bien grasses.
Le « champian du mande »
Marko Estrada est trahi par son accent. Il n’est pas né à Québec, ville dans laquelle il habite et lutte aujourd’hui, mais bien en Acadie. Celui qui a choisi un nom hilarant sur Twitter qui rend hommage à ses origines «@champiandumande» a donc dû prendre un chemin un peu différent pour rejoindre le monde de la lutte :
«Par chez-nous, les cours de lutte ça n’existait pas. […] À place de déménager à Montréal pour suivre des cours de lutte, je me suis fait une arène backyard dans ma cour. Tout le monde savait qu’on faisait de la lutte.»
Et surtout, le jeune Estrada a su développer son côté homme d’affaires : «La lutte est venue à Lamèque [au Nouveau-Brunswick], et j’ai donné ma cassette VHS au promoteur, c’était No class Bobby Bat. J’y ai dit moi pis mon chum on est super bons, tout le monde sait qu’on est lutteurs ici, la prochaine fois que vous venez, appelez-nous. Lui, il a pensé à l’argent, quand il est venu, il nous a donné notre premier match à moi pis mon chum, on a rempli l’aréna, on a tripé. Après ça, il nous a dit : ‘’vous êtes bons, mais prenez des cours de lutte’’».
Et comment un petit gars de Lamèque se retrouve avec un nom latino? «L’entraîneur trouvait que j’étais athlétique […] je sautais un peu partout, donc il a dit il faudrait te trouver un nom mexicain. Moi, je pensais qu’Estrada ça voulait dire ‘’Étoile’’, mais c’est Estrala…».
Oups.
Peu importe, le nom est resté.
Un lutteur de Québec
Avec le temps, même s’il continue de lutter régulièrement dans les maritimes, Marko Estrada est devenu un lutteur étroitement associé à la ville de Québec et à sa fédération, la NSPW : «Je trouve que lutter à trop de places, t’es plus une attraction. Si tu veux voir Marko Estrada, c’est à Québec, pas d’autres places».
C’est normal qu’il soit autant associé à la ville de Québec; il a été champion pendant 1374 jours. Comment a-t-il réussi à être champion si longtemps? Pense-t-il être le meilleur lutteur au Québec? « Pour moi, oui. Je dis pas ça parce que j’ai été champion, ça a pas rapport. Je dis ça avec la crédibilité que j’amène à la lutte, le temps que je passe au gym pour amener la crédibilité sur le ring aussi, les matchs que je fais, le selling, comment je fais bien paraître les autres…»
Un corps sculpté…à fort prix
Parlons-en de l’apparence de Marko Estrada. Lui, il ne doit pas avoir besoin d’engager des déménageurs pour déménager sa laveuse/sécheuse.
Toutefois, celui qui dit aller au gym 6 fois par semaine admet que ce n’est pas toujours facile : «Pour vrai, c’est difficile. Le monde pense que c’est facile, mais tout le temps manger sec, faire attention, aller au gym, lutter. Mais j’aime ça bien paraître. Quand je sors du rideau, les gens disent : ‘’ah, lui c’est un vrai lutteur!’’ »
D’ailleurs, je ne peux m’empêcher de sourire en le voyant manger goulûment ses frites. Est-ce les premières frites qu’il mange? Il rigole : non, il se permet un jour de triche par semaine.
«Des fois, j’ai envie d’en manger des chips, mais j’en ai pas chez nous. Des fois ma blonde me demande : ‘’C’est quand ta journée cheat là, j’ai hâte’’».
D’ailleurs, Marko Estrada déplore que tous ses collègues n’aient pas la même discipline : «Asteure, tout le monde peut être lutteur. Mais peux-tu être lutteur professionnel? C’est autre chose. Toi si tu voulais, je pourrais te trouver une place pour lutter la semaine prochaine. Mais c’est plate, c’est pas supposé être ça la lutte. […] Là, c’est rendu un passe-temps».
En effet, ça serait mieux que je ne lutte pas. Je suis essoufflé en jouant au Playstation.
Des ambitions internationales
Avec un tel look, avec une telle crédibilité, a-t-il déjà pensé faire le saut chez nos voisins du sud? «Je suis trop princesse pour faire ça».
En effet, faire carrière aux États-Unis demande de faire beaucoup de sacrifices, de dormir sur des planchers, de sacrifier emploi et relations, sans assurances que ça va payer.
Estrada sait que sa sédentarité nuit dans son standing à l’international : «Qu’est-ce qui me rend pas honneur, c’est que je ne sors pas du Québec. Dans le PWI, je descends chaque année, mais je perds jamais».
En plus, quand il est sorti du Québec, il n’a pas été impressionné : «J’ai été aux États-Unis, y’avait 200 personnes dans la foule. C’est sold-out à la NSPW».
De toute façon, Marko Estrada, qui est agent correctionnel «dans la vraie vie», adore sa carrière, et ne veut pas la sacrifier : «J’ai pas une job, moi, j’ai une carrière. Je ne lâcherais jamais ça».
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