Michael Sam a officiellement fait son entrée avec les Alouettes mardi. La question qui tue, et qui n’est pas abordée de front, est : pourquoi est-ce que le joueur défensif de la SEC de 2013 joue dans la ligue B du football professionnel? Est-ce que ça aurait quelque chose à voir avec son homosexualité?

PC

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La réponse à cette question est : peut-être.

Allons-y d’abord avec la théorie de la conspiration : selon les rumeurs, Sam était projeté comme un choix de 3e ou 4e ronde jusqu’à ce qu’il déclare ouvertement son homosexualité, suite à quoi les hautes directions de quelques équipes auraient vu en lui une « distraction », dans la mesure où le prendre dans son équipe aurait attiré l’attention des médias et impliqué des démarches supplémentaires pour accueillir un joueur au statut particulier. Rappelons qu’aux États-Unis fait actuellement rage un débat autour du droit au mariage pour les couples homosexuels. Des imbéciles s’y opposent parce que selon eux, d’après une logique aberrante, accorder ce droit aux gais nuirait à l’institution du mariage (?). Ça ne fait aucun sens; c’est comme si ces gens allaient au restaurant et commandaient un hamburger, mais piquaient une crise parce que les gens à la table voisine osaient commander un plat végétarien.

Du chili sans viande? HÉRÉSIE!

Du chili sans viande? HÉRÉSIE!

Mais ce n’est pas aussi simple que ça. Lors du NFL Combine – le camp d’évaluation où plusieurs paramètres physiques et psychologiques des candidats au repêchage sont évalués, comme on le fait, tiens tiens, pour le bétail avant une vente aux enchères– Sam a assez mal performé, avec des résultats décevants au sprint de 40 mètres, sans parler du fait que son gabarit était jugé inadéquat pour les rangs professionnels – trop petit pour jouer sur la ligne défensive, trop lent pour jouer comme secondeur.

Apparemment, pas le physique de l’emploi.

Apparemment, pas le physique de l’emploi.

Au final, Sam a été repêché en 7e et dernière ronde par les Rams de St-Louis. Ceux-ci se sont placés dans une position idéale en le sélectionnant aussi tardivement : d’une part, ils utilisaient leur dernier choix, ce qui n’est pas exactement un gros sacrifice pour être l’équipe ayant repêché le premier joueur de football ouvertement gai – et on les félicite pour ça, mais d’autre part, comme ils avaient déjà beaucoup de profondeur à la position d’ailier défensif, ils avaient en réserve une excuse acceptable pour ne pas le garder dans l’équipe dans l’éventualité où il n’aurait pas été assez bon pour jouer chez les pros. C’est un peu comme lorsque vous invitez à votre mariage un oncle qui vous tape sur les nerfs; vous ne commettez pas l’affront de le barrer de la cérémonie, mais vous savez qu’il y aura tellement de monde à l’événement que vous n’aurez pas forcément à lui parler.

Mais au final, Sam ne s’est pas taillé une place dans la NFL. C’est peut-être dû à une cabale homophobe de vieux hommes blancs à la tête des équipes de la NFL, mais c’est peut-être aussi, plus simplement, parce que Sam n’est pas incroyablement bon au football. Parce qu’après tout, il y a pas mal de joueurs actifs dans la NFL dont la page Wikipédia ressemble à un casier judiciaire; rappelons que Michael Vick a été signé par deux équipes même si on a découvert qu’il a commis des actes qui lui valent un 8.5 sur 10 dans l’échelle des psychopathes. Suivant la logique où un gars comme J.J Watt pourrait vendre plus de crystal meth que Heisenberg et quand même jouer pour les Texans, on peut penser que Sam ne serait pas dans la LCF s’il avait un talent indéniable.

Au final, Sam peut être fier de lui – il a été repêché dans la NFL plus souvent que toi et moi, et ce n’est pas déshonorable de jouer dans la LCF. Mais il a passé beaucoup de temps à assumer son rôle de porte-parole pour les LGBT (ce qui est tout à son honneur) et il lui reste à faire ses preuves sur le terrain. Il pourra avoir un meilleur impact en gagnant le respect du public par ses performances réelles, et non en se comportant comme si le simple fait d’avoir été repêché constituait un exploit – c’en est un, mais pas du même ordre. C’est pas pour rien que Serge Savard est nettement plus convainquant que Louis Leblanc comme représentant pour une compagnie de produits financiers.

Dans un monde idéal, Michael Sam ne devrait pas avoir à « faire de la promotion » pour les athlètes gais, mais même à Montréal, il existe encore des gens qui semblent avoir besoin de se faire prouver qu’ils ont leur place dans les rangs professionnels. Salut, Marc De Foy!

Il s’est depuis « excusé » pour son propos digne d’un homme de Cro-Magnon.

Il s’est depuis « excusé » pour son propos digne d’un homme de Cro-Magnon.

Parce qu’au final, l’orientation sexuelle du nouveau membre des Alouettes, c’est pas de nos affaires: tout qu’il reste à savoir, c’est s’il va aider son équipe à gagner la coupe Grey. À Montréal, on apprécie les parades sur Ste-Catherine.



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