lutte

Une fois, j’ai lutté.

Pas dans le sous-sol chez nous avec ma sœur pour savoir qui allait avoir le contrôle de la manette. De la vraie lutte. Dans un vrai ring, devant une vraie foule, avec un vrai costume, des vrais moves, un vrai personnage pis toute le kit.

Mon personnage : Vengeance Caron. La seule et l’unique Mean Girl de Brossard. Dans tes dents, Lindsay Lohan.

J’avais aussi mon finisher : le gloss punch. Je te tiens par la tête, je te mets du gloss, et BAM! Je te slam à terre.

J’ai suivi des cours avec des lutteurs de la NCW. Je me suis pitchée par terre, je me suis fait pitcher par terre, j’ai pitché du monde à terre. J’ai couru dans les cordes, j’ai sauté du ring, j’ai fait des cordes à linge. Et j’ai eu mal.

FUCK QUE J’AI EU MAL.

Les lendemains d’entraînement étaient durs. J’étais rackée de partout : les devants de tibias, les clavicules, la gorge, la craque de fesses (je sais pas comment!), sous les bras…

Je ne veux pas me vanter, mais il semblerait que j’étais une naturelle. Ça ne m’a quand même pas convaincue de me lancer dans une carrière de lutteuse. Ça a pris pas mal de temps à ma mère avant d’accepter que je devienne humoriste, imagine si je devais lui dire que je laissais tomber l’humour pour devenir lutteuse! J’allais passer une couple de Noëls toute seule.

Pour mon match, avec Mary Lee Rose de la NCW, on a monté une chorégraphie. Elle me montrait des moves : « On va faire ça et ça et ça. »

Et je suis à côté : « Ok, non, non, non, je pense pas que ça va arriver, non. »

Un coup que tu « maîtrises » la chorégraphie, il faut y mettre de l’émotion : de la rage, de la peur, de la méchanceté, du plaisir à dominer, de la douleur, de la sournoiserie. Laissez faire l’école de théâtre! Venez jouer sur un ring!

Pis là, tu répètes et tu ajustes et tu pratiques et tu recommences et tu as mal et tu recommences. Pas d’improvisation pour moi! « As-tu aimé ça quand je me suis laissée aller pis je t’ai cassé le nez spontanément? »

On se parle sur le ring. Pas genre « Tu penses quoi du dernier Star Wars? », mais des petits trucs du genre « Ça va? Ok go! Laisse-moi 3 secondes. J’y vais. » Et personne ne nous entend parce que la foule est occupée à crier des « TUE-LA!!! ».

Le soir du match, je suis gonflée à bloc. Une foule qui hurle ton nom, qui t’encourage ou te déteste : ça te donne un boost. Je comprends que certaines personnes carburent à ce genre d’adrénaline. J’avais de l’attitude fois mille.

Juste pour vous donner une idée de mon niveau de badass-itude : avant de monter sur le ring, j’ai craché par terre en dévisageant mon adversaire droit dans les yeux.

Bye bye, Gabrielle. Hello Vengeance!

Je suis montée sur le ring et j’ai lutté ma vie.

Je suis pas mal certaine que j’ai manqué tous mes moves.

Je suis pas mal certaine que c’était pas vraiment impressionnant à regarder.

Mais j’ai tout donné.

Et même si tu m’avais vu et que tu avais trouvé ça ordinaire… ta yeule.

J’ai déjà lutté.

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