The Undertaker et A.J. Styles lors de Wrestlemania 36

Lorsqu’un arbre tombe dans une forêt et qu’il n’y a personne pour l’entendre …

Avec l’actuelle crise de la COVID-19, la WWE a décidé de ne pas freiner sa grande extravagance annuelle qu’est Wrestlemania. Il fallait par contre ajuster le tir avant la présentation de ce Wrestlemania 36 et au lieu d’un grand rassemblement au stade des Bucs de la NFL devant plus de 70 000 personne, c’est plutôt en deux soirs devant personne que le tout était enregistré et présenté, pour la première fois, un samedi soir avant de se conclure le lendemain.

Toute la semaine, c’était difficile d’être dans l’esprit, pourtant d’un naturel festif, de Wrestlemania. Normalement, toute la planète lutte gravite autour de la WWE. Les fédérations indépendantes se regroupent dans la même région et présentent, pour les milliers d’amateurs sur place, des spectacles à toutes les heures. Des conventions, des rencontres, des items de collection, etc. Les amateurs de lutte sont en pèlerinage durant la fin de semaine de Wrestlemania.

Mais pas cette année. Il fallait faire différent. Fallait s’adapter puisque la décision a été prise de poursuivre dans le monde du divertissement sportif. La question du pourquoi est légitime, et nécessaire, mais nous n’avons pas la réponse.

Nous avons vu, par contre, la première partie d’un Wrestlemania 36 particulièrement étrange … et pas juste pour les mauvaises raisons.

The Undertaker à Wrestlemania 36, comme au cinéma

Commençons par le positif, c’est à dire la fin de cette première partie de Wrestlemania 36.

The Undertaker retrouvait A.J. Styles dans un Boneyard Match qui, même après, reste avec une réglementation nébuleuse. Ce qu’on sait, par contre, c’est que la WWE a enfin pris un risque en sortant du cadre habituel et nous a donné une grande finale. C’était de la grande lutte malgré l’absence des codes habituels, d’un ring, de commentateurs et de public.

Pourquoi? Parce qu’on a laissé deux vétérans du ring raconter une histoire dans un contexte différent, avec des moyens différents et des possibilités différentes. Ce changement de ton drastique et fort apprécié a permis à ce Wrestlemania 36 de se terminer sur une excellente note, même si elle ne fera pas le bonheur de tout le monde en raison de son éloignement de l’habituel spectacle de la WWE.

Sauf que les circonstances actuelles ne sont pas ordinaires, alors, on ne peut pas se contenter de faire «comme si» et poursuivre son chemin. Il faut s’ajuster et s’imprégner de la réalité. Surtout, il ne fallait pas aliéner le public et se contenter de lui dire qu’il peut «décrocher» le temps d’une soirée. La terre n’arrête pas de tourner parce que la lutte décide de poursuivre son chemin et, heureusement, cette fiction entre l’Undertaker et A.J. Styles est venu sauver la mise.

Sans ce combat unique et audacieux, cette première partie de Wrestlemania 36 aurait été catastrophique.

Un village fantôme

Avant d’étaler les critiques, soyons élogieux envers tous les lutteurs qui se sont donnés corps et âmes dans des situations difficiles. Le spectacle dans le ring, pris à l’extérieur du contexte, était impeccable. Vraiment, de la grande qualité de lutte dans presque tous les combats. On peut ne pas apprécier les résultats ou les tournures, mais on ne peut pas nier l’excellent travail de tout le monde.

Malheureusement, on ne peut pas exclure le contexte, malgré tous nos efforts.

À l’exception du Boneyard Match, la WWE nous a présenté Wrestlemania 36 comme si nous étions dans un gigantesque stade de football. Sauf que le bruit assourdissant de la foule n’y était pas et on devait plutôt se buter à la froideur de l’écho des directives des officiels et aux respirations saccadées des athlètes dans le ring.

C’est malheureux et on se retrouve devant l’ingrate situation de couler l’excellent travail des lutteurs et lutteuses lors de la soirée, mais la lutte est un art représentatif qui s’alimente directement de son public, comme l’humour d’une certaine façon. La meilleure blague du monde, racontée devant des tabourets, sera vite oubliée malgré ses grandes qualités. C’est la fâcheuse situation de ce Wrestlemania 36.

Braun Strowman, par exemple, a pulvérisé Goldberg afin de remporter son premier championnat du monde et le tout a eu l’effet d’un caillou dans une flaque d’eau. Kevin Owens a risqué sa santé pour éliminer Seth Rollins avec une cascade spectaculaire, mais la caméra a difficilement capté l’action et c’est seulement à la reprise, quelques minutes plus tard, qu’on a pu prendre la pleine mesure de l’exploit. Sami Zayn, notre grand négligé du Québec, a triomphé contre Daniel Bryan et a conservé le prestigieux championnat Intercontinental et on déborde de bonheur pour lui, mais on ne peut pas s’empêcher de croire qu’il s’est faire ravir un moment magique de sa carrière en raison de l’absence d’auditoire.

Wrestlemania est plus grand que nature et la WWE avait le devoir d’au moins essayer de remettre un peu de lustre à ses soirées de lutte des dernières semaines. Mais on s’est contenté de faire comme si de rien était et d’espérer que la simple mention du mot-sacré «Wrestlemania» suffise à rendre la chose grandiose.

Mais non, ça ne suffit pas. Avant de dire que quelque chose est grandiose, il faut nous le montrer. Ce n’est pas la présence malaisante et mal avisée de Rob Gronkowski qui changera la mise, au contraire.

Un constat d’échec

Mon plus gros problème avec cette première partie de Wrestlemania 36, c’est qu’on voulait embarquer dans la proposition audacieuse de la WWE de terminer tout de même ses histoires construites, dans certains cas, depuis plusieurs mois. On voulait atteindre ce fil d’arrivée invisible après lequel on débute la nouvelle saison de la WWE même si, concrètement, l’organisation ne prend jamais de pause. On voulait donner la chance au coureur de justifier la poursuite de ses activités dans un climat dangereux.

On voulait, mais si ce n’était que pour ça, la consigne du #RestezChezVous aurait dû s’appliquer. Un Wrestlemania comme celui-ci, dénué de surprises et de grandes montées dramatiques, ne justifie pas le risque. C’est malheureux, mais c’est tout de même la réalité.

Si des dizaines de personnes risquent leur santé pour offrir un produit de divertissement, il faut au moins que ledit produit soit aux meilleurs de ses capacités. Difficile de croire qu’ici la WWE peut oser nous dire qu’elle a fait la meilleure soirée qu’elle pouvait offrir.

Ce serait un mensonge éhonté et un grave manque de respect à son large auditoire.

On peut tout de même espérer mieux pour dimanche soir, mais soyons réalistes, la WWE est son plus grand obstacle ici alors qu’elle n’osera jamais quitter ses confortables pantoufles, envers et contre tous.

Heureusement qu’il y avait A.J. Styles et l’Undertaker pour nous montrer que la créativité existe encore dans cette organisation, même si elle ne se sort pas la tête de l’eau souvent.

WWE, vous pouvez faire mieux. Beaucoup mieux.



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